Le Figaro Bordeaux
Ils prennent la poussière dans les archives départementales de France. En 2019, de nombreux cahiers de doléances ont été remplis dans tout le pays par les Français, afin de participer au «grand débat national» lancé par Emmanuel Macron en réponse à la crise des «gilets jaunes». En plus des participations numériques, de nombreux cahiers ont été remplis à la main. Des textes rapidement tombés dans l’oubli malgré une forte mobilisation citoyenne. Un oubli auquel le département de la Gironde souhaite remédier.
Le 19 juin, l’Assemblée nationale aurait dû examiner une proposition de résolution visant à rendre accessibles au plus grand nombre ces cahiers de doléances. La dissolution de l’Assemblée le soir des élections européennes a renvoyé à une date indéterminée l’examen éventuel de ce texte, mais cela n’a pas empêché certaines collectivités de se saisir du sujet. Le département de la Gironde, estimant que «leur visibilité aux yeux du grand public est encore insatisfaisante», soutient trois projets pour espérer en partie y remédier.
«Après plus de 200.000 contributions rédigées à la main et 19.899 cahiers qui n’ont jamais été publiés, partons à la rencontre d’auteurs de Doléances et de collectifs de citoyens qui se battent pour que ces textes soient enfin reconnus. De la Creuse jusqu’en Meuse, en Gironde, et même jusqu’à l’Assemblée nationale… Avec un espoir tenace, faire publier les Doléances, et rendre la parole à celles et ceux qui l’avaient prise en 2019 !» C’est ainsi que se présente le documentaire Les Doléances, réalisé par Hélène Desplanques et basé sur des contributions de citoyennes et citoyens de la Nouvelle-Aquitaine. Le film sera présenté en Gironde les 20 et 21 juin, à Cadillac puis à Bordeaux.
Un droit d’interprétation local et citoyen
La compagnie bordelaise Jusqu’à l’aube, portée par six artistes, est quant à elle en train de créer une pièce de théâtre intitulée Doléances, une «fable politique et comédie sociale écrite par Sébastien Laurier», dont le projet de création devrait voir le jour en 2025 et s’adresser à tous les publics à partir de onze ans. «À Libourne, une mère de famille, en colère, adresse un cri d’alarme au président de la République. Au même moment au Bouscat, un retraité questionne sur son pouvoir d’achat. À Saint-Loubès, un habitant s’indigne contre la disparition de platanes devant chez lui. À Floirac, une femme s’inquiète sur les conditions de sa fin de vie. Toutes et tous ont écrit leurs doléances dans l’espoir – peut-être – que leurs paroles soient entendues.» Des représentations publiques sont déjà prévues à Couthures-sur-Garonne le 12 juillet, lors du Festival international de journalisme, et à Biarritz le 29 août.
Le département de la Gironde précise en outre être «le seul département de France à financer une thèse Cifre» (convention industrielle de formation par la recherche) sur le sujet. Il s’agit de la thèse de doctorat en science politique de Samuel Noguera, commencée en novembre 2022. Son sujet de recherche porte sur les 375 cahiers de doléances (qui en contiennent chacun environ 5000) «rédigés par des Girondines et Girondins issus de tous les horizons : retraités, mères célibataires, personnes précaires… et pas seulement “gilets jaunes”». Enfin, le département a récemment mis en place un droit d’interprétation local et citoyen, inspiré des premiers résultats de l’étude des cahiers de doléances et du référendum d’initiative citoyenne, «afin de permettre aux Girondines et aux Girondins de déposer leurs interpellations».