En Tunisie, deux chroniqueurs condamnés à un an de prison pour avoir critiqué le président Kaïs Saïed

Manifestation de journalistes tunisiens devant le tribunal de Tunis, le 22 mai 2024, en soutien à Borhen Bssais et Mourad Zeghidi. FETHI BELAID / AFP Deux chroniqueurs connus en Tunisie, qui étaient poursuivis en vertu d’une loi sur les « fausses informations » pour avoir critiqué le pouvoir du président Kaïs Saïed, ont été condamnés, mercredi 22 mai, à un


Manifestation de journalistes tunisiens devant le tribunal de Tunis, le 22 mai 2024, en soutien à Borhen Bssais et Mourad Zeghidi.

Deux chroniqueurs connus en Tunisie, qui étaient poursuivis en vertu d’une loi sur les « fausses informations » pour avoir critiqué le pouvoir du président Kaïs Saïed, ont été condamnés, mercredi 22 mai, à un an de prison chacun.

Borhen Bssais, un présentateur de médias privés, et Mourad Zeghidi, un commentateur politique, ont écopé de six mois pour diffusion de « fausses nouvelles » dans les médias et réseaux sociaux, et de six mois supplémentaires pour « de fausses déclarations dans le but de diffamer autrui », a indiqué à l’Agence France-Presse (AFP) le porte-parole du tribunal de première instance de Tunis, Mohamed Zitouna.

Lors de leur procès dans la journée, ils ont invoqué la liberté d’expression, expliquant n’avoir fait qu’accomplir leur travail en analysant et commentant l’actualité politique et socio-économique du pays, selon une journaliste de l’AFP présente dans la salle.

« Cela fait partie de mon travail »

Ils avaient été interpellés le 11 mai pour des déclarations dans des émissions à la radio et à la télévision ainsi que des publications sur les réseaux sociaux, considérées comme critiques du pouvoir du président Saïed. Des poursuites avaient été engagées à leur encontre en vertu du décret-loi 54, promulgué en 2022 par M. Saïed, officiellement pour lutter contre la diffusion de « fausses nouvelles » mais décrié pour une interprétation très large. Leurs avocats ont demandé un non-lieu lors du procès.

« Mon travail en tant qu’analyste politique m’impose de parler des affaires publiques (…). Je veux savoir quelle est la phrase ou le mot qui a été jugé comme enfreignant le code pénal », a déclaré Mourad Zeghidi, selon une journaliste de l’AFP. Il s’est vu reprocher des déclarations datant de février et une publication de soutien à un reporter emprisonné, critique du président Saïed. Ce dernier, élu en 2019 pour un mandat de cinq ans arrivant à échéance cet automne, s’est octroyé les pleins pouvoirs lors d’un coup de force à l’été 2021.

« Je ne suis ni un opposant ni un partisan du président. Parfois, je soutiens ses choix et parfois, je les critique, cela fait partie de mon travail », a expliqué Mourad Zeghidi, à l’adresse de la présidente du tribunal. « Quand la politique entre dans les tribunaux, la justice en sort », a martelé son avocat, Kamel Massoud, appelant la présidente à faire preuve d’indépendance dans un pays où des opposants et juristes ont dénoncé une mise sous tutelle de la justice.

« Une escalade de la répression gouvernementale »

Borhen Bssais comparaissait pour sa part pour « atteinte au président Kaïs Saïed à travers des émissions de radio et des déclarations » sur Internet entre 2019 et 2022. « Je suis un animateur, donc je dois présenter toutes les opinions, quelles que soient leurs orientations », a-t-il lancé, estimant avoir été arrêté « comme un dangereux criminel ». « Tout un peuple est poursuivi en vertu du décret-loi 54 », a dénoncé dans sa plaidoirie son avocat, Khaled Khrichi.

Leur arrestation a coïncidé avec l’interpellation musclée, le 11 mai, de l’avocate Sonia Dahmani, également chroniqueuse, poursuivie au nom du même décret-loi 54. Le 13 mai, c’était au tour d’un autre avocat, Mehdi Zagrouba, d’être arrêté dans les locaux du barreau de Tunis. Ces interpellations sont venues s’ajouter à celles de militants d’associations d’aide aux migrants les jours précédents.

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L’ONG américaine Human Rights Watch a dénoncé, le 17 mai, dans un communiqué, « une escalade de la répression gouvernementale ces dernières semaines et des actions visant à museler la liberté d’expression, à poursuivre les dissidents et à réprimer les migrants ». L’Union européenne, la France et les Etats-Unis ont récemment exprimé leur « inquiétude » et leur « préoccupation » pour le respect des droits et libertés dans le pays qui s’enorgueillit d’avoir été le berceau, en 2011, des « printemps arabes ».

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Le Monde avec AFP

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